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UNE HISTOIRE DE SENTANIZ (MONOLOGUE)

Dernière mise à jour : 1 août 2019



Si vous la voyez un jour sur votre chemin, ne riez pas d’elle. Ne riez pas d’elle si un jour sur votre chemin elle vous regarde avec ses grands yeux de feu qui expriment sa colère, sa désolation et toutes ses misères.

Ne la bousculez pas, ne la repoussez pas, car elle a vraiment besoin de vous, elle a vraiment besoin de nous. Pensez à votre fille de neuf ans, celle que vous aimez bien, celle que tout le monde aime, qu’on châtie et protège. Elle qui a déjà un avenir assuré. Bien sûr… bien sûr que vous n’osez comparer votre tendre fille à une domestique hideuse… vous avez tellement de préjugés. Vous en avez tellement que vous oubliez… vous oubliez qu’elle … elle également est un enfant, un être humain qui a elle également des droits.

Si un jour vous la croisez devant votre porte, j’ai dit si, mais je suis sûr que vous l’avez déjà vu, ne la rabaissez pas. Ne l’appelez pas « tisentaniz », car vous ne connaissez qu’une partie de l’histoire. Nous sommes déjà en 2050 et Sentaniz n’a plus neuf ans, elle n’est plus une petite fille. Elle est une femme, une femme comme toutes ces femmes qui forment le noyau de notre société. Une femme comme toutes ces femmes qui se donnent corps et âme pour éduquer leurs enfants et donner vie à l’économie dans une société matriarcale ravagée par le capitalisme.

Vous êtes vous déjà demandé quelle est la suite de cette histoire ? Non, j’en étais sûr. Qu’est-ce que vous avez à voir avec l’histoire d’une domestique, ce n’est quand même pas un conte de fées. Mais c’est quand même l’histoire de notre société. Assez ! Assez parler ! Laissez-moi vous la racontez cette histoire.

Comme vous le savez déjà, Sentaniz n’avait que neuf ans, mais elle accomplissait dans une famille, les tâches que certains adultes n’auraient, ni la force, ni le courage de réaliser. Sa rémunération était surtout constituée de fouet, d’injures et d’humiliations. Elle était peut être avide de liberté car le sang des esclaves coulait dans ses veines, mais elle n’avait aucune arme, aucun allié.

Tous les jours, pendant qu’elle faisait son rituel d’emmener la fille de la dame à l’école et vendre le café grillé, elle voyait une image qui lui a toujours plu, ces enfants qui dormaient sur le trottoir, devant les magasins ou sur les places publiques. C’était peut être des sans abris, mais au moins ils pouvaient se payer le luxe de dormir jusqu’à l’aube se disait-elle.

Un beau jour, alors qu’elle n’avait que quatorze ans, Sentaniz décida de prendre cette route, elle s’enfuit pour devenir elle aussi libre. Une liberté dont elle ignorait le prix à payer. Elle ignorait que le prix de cette liberté serait une lutte quotidienne, un combat contre ce diable qu’est l’inégalité sociale. N’ayant pas d’autre arme de défense pour gagner son pain quotidien, Sentaniz n’avait qu’à se servir de son corps fatigué par les rudes travaux domestiques, mais qui était quand même le délice des jeunes hommes de rue et de certains adultes profiteurs. Mais ce soir, ce soir où la nuit était plus noire, où les chats étaient plus gris que d’habitude, Sentaniz a connu la pire nuit de sa vie. Elle a été retrouvée le lendemain, violée, battue à moitié mort par cinq hommes de la place où elle dormait. Elle était à bout de souffle, elle n’avait pas beaucoup de chance de survivre. Ses tests ont révélé qu’elle était hiv négatif mais qu’elle était quand même tombée enceinte des ses ravisseurs.

Comme le dit le dicton, « à quelque chose malheur est bon ». Sentaniz aurait pu être morte après cette nuit la, mais la vie en a décidé autrement. Une travailleuse sociale de l’institution du bien être social l’a pris en charge après ces dures interventions chirurgicales et son avortement forcé car elle était trop faible pour porter ce bébé.

Aujourd’hui nous sommes en 2050, Sentaniz est une femme, elle a eu la chance d’être orientée et éduquée malgré tout dans une société ou elle était exclue. Une société qui n’avait aucun programme scolaire adapté à sa situation. Maintenant Sentaniz est une femme qui a sa place dans la société, une femme qui se bat non seulement contre le système «restavèk » faite aux enfants, mais également contre l’inégalité sociale. A travers sa fondation qui est soutenue par l’Etat et le secteur privé, elle sensibilise les familles sur les questions de planification familiale, défend la cause des enfants de rue et plaide pour un système scolaire adapté à chaque groupe d’individu afin de donner à tout le monde la chance d’avoir une place dans la société.

Alors ne riez plus, ne riez plus si vous en aviez l’habitude. Car la Sentaniz que vous connaissez aurait pu être une femme de gang, un escroc, un poison pour la société. Mais grâce a son dévouement et des actions concrètes de l’Etat, sentaniz a été épargnée ce mauvais sort. Combien d’enfants en domesticité vont habiter les rues pour devenir ensuite un poison pour notre société si vous, si moi, si nous tous ne faisons rien pour changer ce système ?

Si vous la voyez, ne riez plus d’elle. Ne riez plus car sinon vous pleurerez demain. Vous pleurerez quand vous apprendrez que celle qui surveillait votre enfant kidnappé n’avait que onze ans ; que Celui qui a assassiné votre mari n’avait que quatorze ans et qu’ils étaient tous avant des domestiques qui ont pris la fuite pour devenir des enfants de rues, et ensuite des déviants qui font un grand mal à la société.

Charles Henry Francillon

Gagnant du concours littéraire organisé par la Fondation Maurice A. Sixto (Quelle femme sera Sentaniz en 2050 si rien n’est fais pour changer la situation des enfants restaveks)

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